ROMANCE
SUR LE CHIEN FIDELE
J'ai célébré nos trois grandes journées,
J'ai célébré les Parisiens vainqueurs !
J'ai visité les tombes couronnées
Des Français morts qui vivent dans nos coeurs.
De ces derniers rien n'égale la gloire
Mais de l'un d'eux, d'un héros citoyen,
Si je ne puis vous raconter l'histoire,
Je parlerai de son fidèle chien.
Qu'il soit chanté ce digne ami de l'homme,
Qui porte un coeur valant son pesant d'or ;
Comme Paris, Vienne, Londres et Rome
Citent déjà le beau trait de Médor :
On croit le voir à l'attaque du Louvre,
Lorsque son maître, atteint d'un biscayen,
Tombe mourant, et qu'alors se découvre
Le sentiment de ce fidèle chien.
Il suit son maître, il s'attache à sa tombe,
Lève souvent ses regards vers les cieux ;
A sa douleur on craint qu'il ne succombe ;
On voit les pleurs qui coulent de ses yeux :
Il gratte, il mord la planche qui recouvre
Le corps sanglant du héros citoyen ;
L'écho redit, sous les voûtes du Louvre,
Les hurlements de ce fidèle chien.
Comme il ne prend aucune nourriture,
Il s'affaiblit et bientôt sa maigreur
Au surveillant de cette sépulture,
D'un vrai squelette offre presque l'horreur.
Sexe chéri, tes soins, ta bienfaisance
Le réconforte ; et c'est par ton moyen
Qu'on sait aussi que la reconnaissance
Est dans le coeur de ce fidèle chien.
Mais sur sa perte il ne prend pas le change
Avec courage il soutient son malheur :
Médor gémit, mais enfin Médor mange,
En se livrant toujours à sa douleur.
Ses longs soupirs en deviennent l'organe ;
Fidélité, qu'il est fort ton lien !
Il le retient au fond de la cabane
Qu'on a construit pour ce fidèle chien
Quand tout Paris l'admire et le contemple,
Quand son renom augmente tous les jours,
Ce chien célèbre offre au monde un exemple
Que les humains ne donnent pas toujours :
Vous, ses pareils, illustres dans l'histoire,
Cédez la palme au chien du Parisien !
C'est à Médor qu'appartient la victoire :
Trois fois honneur à ce fidèle chien.
Auteur anonyme 1831
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